4.2 Gibier tiré sur le territoire d'autrui - Quelle attitude et quelles conséquences ?

 

Une affaire récente ayant abouti sur le bureau d'un garde de l'ONCSF mérite que l'on en tire quelques conséquences pour ne pas se trouver un jour en difficulté avec en toile de fond la question : A qui appartient un gibier mortellement blessé ?

Un gibier sortant de la traque du territoire "X" mais tiré par une ligne de chasseurs installés sur le terrain voisin "Y" a été bagué avec un bracelet attribué à la société "X".

Après avoir parlementé avec "X" le propriétaire et le garde de "Y" sont convenus avec "X" de deux choses :

  1. il ne serait pas dressé procès verbal par le garde "Y" à l'égard de "X" ;

  2. le gibier serait déplacé par "X" jusqu'à la route où il serait récupéré par "Y".

 tir voisin

C'est ce qui a effectivement été fait.

Quelques jours plus tard, le Président et le garde de "Y" sont convoqués par un garde de l'ONCSF à la suite d'une communication téléphonique avec le garde de "X" qui a défendu l'idée d'une faute commise par "Y" consistant à n'avoir pas sur-bagué le gibier avec un bracelet attribué à "Y" puisque le gibier se trouvait et a été déplacé sur le territoire de "Y".

Cette position semble avoir été soutenue par le garde de l'ONCSF qui, s'étant autosaisi de l'affaire, se réfère à l'article R425-10 du Code de l'environnement ainsi qu'à l'arrêté du 11 février 2020 relatif à la mise en œuvre du plan de chasse et au marquage du gibier.

Sur le fond :

Aucune disposition législative ou réglementaire ne semble imposer l'obligation d'un double marquage dans les conditions décrites supra.

De surcroît :

  • il n'y a pas eu fraude puisque l'animal venant du territoire "X" a bien été bagué" avant tout déplacement ;

  • le plan de chasse a bien de ce fait été respecté, puisque l'animal venant de "X" a bien été bagué avec un bracelet attribué au territoire de "X" ; il n'y a donc pas eu d'atteinte à l'équilibre agro-sylvo-cynégétique ;

  • le propriétaire de l'animal (au sens de la fiche de l'ONCSF) est bien "X" et "X" en porte la totale responsabilité aussi bien pour le baguage que pour le transport jusqu'au point de livraison.

Finalement, la seule question qui se pose est qu'en étant le propriétaire, "X" peut-il en disposer comme bon lui semble ?

Si "X" dépèce l'animal lui même en maintenant le bracelet jusqu'au dernier morceau il respecte la règlementation. Mais s'il donne l'animal à un tiers avant qu'il soit dépecé, "Y" par exemple, qu'en est-il de la responsabilité de "X" et de "Y" ? :

  • y a t-il transfert de cette responsabilité ?

  • suffirait-il que "X" soit en situation de s'assurer du bon déroulement de l'opération ou que "Y" soit en état de le prouver ?

  • y aurait-il nécessité d'apposer un second bracelet attribué à "Y" avant que l'animal soit donné par "X" de manière que le transfert soit acté ?

Sur la forme :

A aucun moment le garde de "X" n'a été vu ni identifié par "Y" et il n'y a eu aucun échange ni concertation entre les gardes sur le thème : "... attention, si les présidents de "X" et de "Y" décident ceci, quelles en seraient les conséquences..."

Puisque le garde de "X" semble connaître un point de la règlementation qui aurait échappé aux chasseurs de "X" comme ceux de "Y", il avait un devoir de conseil sur quelque chose qui allait se produire, mais il n'a pas réagi. Or, tout détenteur d'une autorité, détenteur du savoir et qui ne joue pas son rôle de conseil, se met lui-même en défaut. Se pose donc la question de ses constatations.

Un autre argument concerne les limites de son action. En effet, l'instruction aux préfets concernant les gardes particuliers précise clairement que le commissionnement ne vaux que dans les limites territoriales du propriétaire. Les faits reprochés étant en dehors de ces limites, un PV n'aurait aucune légitimité.

Que faut-il en déduire ?

Même si cela peut paraître un peu étonnant, pour éviter des malentendus, des imbroglios, des transferts de responsabilité ... on pourrait recommander, en attendant une clarification, l'application des trois principes et/ou obligation suivant(e)s :

  1. Un garde particulier qui constate une infraction devrait dresser procès verbal ne serait-ce que pour se mettre lui-même à couvert (les modalités des suites administratives à donner peuvent ultérieurement être nuancées en proposant de ne pas poursuivre en plaidant, par exemple, la bonne foi du contrevenant).

  1. Un animal, prélevé sur le territoire d'autrui, appartient néanmoins au contrevenant qui l'a tiré. Ce "propriétaire" d'animal doit conserver en toutes circonstances la responsabilité de son acte et assumer les conséquences qui en résultent. Cela induit pour le détenteur du droit de chasse sur ce territoire (l'autrui) qu'il ne faut surtout pas accepter de transaction tendant à la récupération de l'animal qui pourrait amener un transfert de responsabilité.

  1. Si votre garde "saisit" (il peut le faire) un animal marqué il doit, soit le faire détruire, soit le donner à une œuvre caritative, et être en mesure si besoin en était d'apporter la preuve de sa destruction ou de la donation.