Article paru dans la revue GRANDE FAUNE signé Gérard Bédarida, président de ANCGG

      L'ANCGG a ouvert ce débat lors de chacune des réunions régio­nales d'associations départementales de chasseurs de grand gibier qui ont été organisées au cours de l'été.

 

Les échanges ont été très ani­més. Ils ont mis en évidence l'extrême diversité des situa­tions locales, l'absence de solu­tions toutes faites et la néces­sité d'apporter à chaque fois des réponses adaptées.

Améliorer l'efficacité de la chasse collective (battues)

La très grande majorité du tableau de chasse sanglier est réalisé eu chasse collective. Les traqueurs poussent vers les postés le gibier levé à laide de chiens. Le gibier est tiré par l'un des postés qui ne peut au mieux prélever qu'une pièce, exceptionnellement: deux.

La mise en place de postes sécurisés à l'intérieur de la traque permet de multiplier les occasions de tir sur une même compagnie, il faut compter un poste pour 10 à 15 hectares. Ce dispositif est particulièrement adapté aux forêts de plaine soumises à une densité importante d'animaux. Il est mis en œuvre avec succès en Belgique et en Allemagne depuis une ving­taine d'années (Battue affût en Belgique, Ansitzdruckjagd en Allemagne). Il nécessite en revanche des investissements importants en miradors de battue.

Cette méthode apparaît difficilement applicable dans les zones de maquis ou de montagne.

Quel que soit le milieu, l'amé­nagement des postes (miradors, dégagements d'axes de vision et de tir) permet d'améliorer très significativement le succès et la qualité des tirs.

Favoriser l'entraînement au tir des chasseurs

Un entraînement régulier des chasseurs en matière de tir améliore simultanément la sécurité et l'efficacité des tirs à la chasse. On considère que le nombre moyen de balles tirées pour un animal prélevé est de 7. Dans le cas d'un tableau national de 600 000 sangliers, cela correspond à 4,2 millions de balles. En améliorant l'en­traînement au tir des chasseurs, toujours avec le même nombre de balles tirées, cela permettrait d'atteindre un prélèvement de 700000 sangliers si le ratio des­cend à 6 pour 1 et de 840 000 pièces si ce ratio descend à 5 pour 1. Il va de soi que les choses ne sont pas aussi mathématiques, mais l'enjeu mérite qu'on y réflé­chisse de très près.

Développer la complémentarité des modes de chasse (battue-affût-approche)

L'affût-approche au sanglier ne remplacera jamais la battue col­lective qui reste le mode de pré­lèvement principal. L'approche et plus particulièrement l'affût représentent des modes de chasses complémentaires qui renforcent [efficacité globale sur le terri­toire de chasse. Ces deux derniers modes trouvent toute leur effica­cité en protection des cultures, au printemps et en été. Ces modes de chasse sont par essence com­patibles avec la battue puisqu'ils s'effectuent à des heures et dans des conditions différentes.

Cependant, l'essor de l'affût et de l'approche est fortement freiné par les rivalités au sein des socié­tés de chasse. Certains règlements intérieurs privilégient la chasse collective et tendent à interdire ou limiter très fortement les modes de chasse individuels.

Lutter contre l'effet réserve

Les sangliers, comme l'en­semble des ongulés sauvages, sont capables en quelques semaines d'ouverture de la chasse de locali­ser les secteurs les plus sécurisants pour eux. Les espaces protégés et interdits à la chasse constituent rapidement des sanctuaires qui permettent aux animaux d'échap­per à toute prédation. La protec­tion de ces espaces sensibles doit être reconsidérée pour rendre compatibles la protection de l'avifaune et des espèces sensibles avec la maîtrise des espèces en déve­loppement (sangliers et ongulés herbivores).

Cette notion d'effet réserve se constate également de manière relative. Les sangliers détectent rapidement les secteurs qui leur assurent une meilleure sécurité temporaire: territoires moins chassés que les voisins, bordures de route à grande circulation, espaces forestiers périurbains dérangés par les promeneurs mais exempts d action cynégétique.

L'expérience montre que des réserves et des territoires insuffi­samment chassés ont été la cause de points noir sanglier.

Le développement des cultures agricoles à haut pouvoir de pro­tection comme le colza, le maïs, voire le miscanthus contribuent à offrir un habitat de grande qualité aux sangliers une très grande partie de l'année. Dès mi-avril avec les colzas jusqu'à fin octobre avec le maïs, les san­gliers profitent d'un habitat béné­ficiant d'une tranquillité bien supérieure à celle procurée en forêt. Cet effet quiétude est bien plus important que la nourriture apportée par ces cultures à des moments très limités pendant cette période (céréales en lait).

La taille des parcelles de plus en plus grande du fait des remembre­ments est un obstacle considérable à l'efficacité des battues du mois d'août. Certaines parcelles de maïs dépassent dans les Landes la centaine d'hectares. Il serait inté­ressant d'étudier la possibilité de remplacer ces parcelles uniformes par une mosaïque de cultures alternées qui tienne compte des contraintes de la mécanisation mais qui casse l'effet réserve et facilite si nécessaire l'efficacité des battues d'été.

Éliminer l'artificialisation des pratiques  cynégétiques: agrainage

Il ne s'agit pas d'une approche dogmatique, le paysage français est un mélange d'artificiel et de naturel.

Il s'agit d'une approche prag­matique: l'agrainage en période hivernale contribue à amélio­rer la survie de l'espèce. Un tel agrainage ne répond pas à une

nécessité de dissuasion agricole. Et quelles que soient les discussions sur cette notion, ses inconvénients l'emportent largement sur les avantages. 11 faut donc être coura­geux et prendre les mesures d'interdiction qui s'imposent même si elles ne sont pas populaires.

La pratique de l'agrainage hiver­nal se propage par "contagion" entre voisins notamment lorsque prédomine la location.de terri­toires de chasse. Chaque territoire se sent obligé d'investir dans la distribution de maïs pour conserver ses actionnaires et garantir un nombre suffisant de sangliers.

Cette propagation à l'échelle d'une unité de gestion est égale­ment à l'origine de points noirs.

Compte tenu de cette pression entre territoires, le recours à des mesures nrestrictives à travers les Schémas dépar­tementaux de gestion cynégétique est effectivement nécessaire.

Réduire les lâchers de sanglier

A une époque où la popula­tion de sangliers progresse tous les ans, les lâchers de sangliers ont quelque chose d'incongru. Cette pratique continue pour­tant à exister. La fédération des chasseurs du Puy de Dôme a fait faire une étude génétique sur les sangliers. Un tiers des sangliers n'étaient pas de souche pure 36 chromosomes). Les différents échanges lors des réunions régio­nales ont permis de mettre en évidence deux types de lâchers: Les lâchers individuels sont le plus souvent organisés dans des départements où la densité d'ani­maux est faible et la pression de chasse forte ou trop forte. Les territoires procèdent alors en fin de saison à des lâchers de laies pleines. Les lâchers en nombre concernent des territoires sou­vent à vocation commerciale qui ont recours à des livraisons par camion d'animaux de tir. Le marché standard est consti­tué par des animaux de. 35 kg. Ils peuvent être élevés en 4 à 6 mois par les producteurs et présentent le grand avantage d'être plus facilement manipulables et livrables que des sangliers plus corpulents.

Ces lâchers ne se soumettent pas toujours à la réglementation. Le transport du sanglier est par exemple moins réglementé que celui du lapin de garenne, ce qui complique les contrôles et éven­tuelles verbalisations.

Reconsidérer le contenu des consignes de tir : un débat délicat

Les consignes restrictives de tir basées sur le poids des ani­maux constituent un véritable obstacle à une régulation appro­priée là où elle est nécessaire. De l'avis général des ADCGG, il faut simplement veiller au maintien d'une bonne struc­ture des compagnies en respec­tant autant que possible la bête meneuse. Dans une compagnie, il doit être possible de tirer un des animaux suiveurs, gros ou petit, de préférence celui qui se présente le mieux pour assurer un tir efficace. En cas de tir d'une laie suiveuse, les bêtes rousses seront adoptées par la compagnie. Les animaux se pré­sentant seuls à la ligne doivent pouvoir être tirés quel que soit leur poids ou leur sexe. Ce qui compte au total, c'est que chaque occasion d'assurer un tir en sécurité soit effectivement prise pour assurer le prélèvement quantitatif le plus fort mais aussi le plus propre possible.

Organiser la valorisation de la venaison et l'élimination des déchets

L'écoulement de la venaison et le traitement des déchets consti­tuent aujourd'hui de véritables freins à l'accomplissement de journées efficaces quand le gibier est présent en quantité.

Des fédérations de chasseurs ont su trouver des financements et mettre en place des points de collecte des déchets. Ces initiatives sont excellentes et devraient être encouragées par les collectivités locales.

La vente de gibier est une tra­dition dans les départements d'Alsace-Moselle. Elle s'est développée peu à peu dans le quart nord-est du pays, mais elle reste balbutiante ailleurs. La mise en place de structures de collecte et de revente est un passage obligé pour valo­riser efficacement la venaison et développer une pratique qui suscite encore parfois une cer­taine méfiance.

Les tests de trichine sont obligatoires pour toute vente directe. Les procédures impo­sées sont actuellement mal connues, compliquées et coû­teuses.

Une amélioration de l'organisation apparait nécessaire.

Les chasseurs ont mis de nombreuses années à intégrer les mesures de gestion qui ont permis de restaurer des popula­tions de sangliers. Aujourd'hui, il leur revient de renoncer aux pratiques qui favorisent l'ex­pansion des populations sous peine d'être désignés comme les coupables de cette expansion. Il est du devoir des membres de l'ANCGG de contribuer à une nouvelle évolution des menta­lités et des pratiques cynégé­tiques en matière de sangliers.

La question ne se limite pas à la seule régulation de l'espèce. Au cours des différentes réu­nions régionales, différents représentants départementaux ont déploré un appauvrissement de la diversité et de la qualité de chasse au profit du tout sanglier et même du tout sanglier en battue. L'évolution de la chasse du grand gibier est entre nos mains.

 

G,B.